« Le jeûne, la prière et l’aumône » – un commentaire pour Rosh-Hashana
L’article « Jésus a-t-il fêté Rosh-Hashana? » entraîne une réflexion. En effet, si Jésus est proche des Sages du Talmud, quelle est son originalité face aux Sages du Talmud?
Comme on s’en souvient, Jésus parla des trois piliers de la prière de Rosh-HaShana: le jeûne, la prière, l’aumône.
Déjà, Jésus a commencé sa drashah (son commentaire) en ordre inverse: il a débuté par l’aumône, puis la prière, et enfin, en dernier lieu, le jeûne. Or, lui-même a jeûné au début de sa « carrière » pendant quarante jours et quarante nuits, à la suite de Moïse et d’Elie le prophète.
Un point commun les caractérise: il est préférable de pratiquer ces trois formes de « mortification » en secret. De plus, il faut tout faire pour que « cela ne se voie pas » aux yeux des hommes. Ainsi dit Rabbi Jésus:
« Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus; autrement, vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 6, 1)
L’aumône
Tout d’abord, l’action de faire l’aumône a été traduite par « pratiquer la justice ». Effectivement, le mot « צְדָקָה » en hébreu signifie: « faire l’aumône » par justice et non point par pitié ou par condescendance. En fait, l’essentiel pour Jésus, dans le cas de l’aumône, c’est de donner l’aumône discrètement. Ainsi seul l’Eternel le voit et récompense cette action de charité de justice.
L’aumône et les Sages
Maintenant, qu’en pensent les Sages?
En fait, ils s’appuient sur le tout dernier verset de l’Ecclesiaste qui affirme que « l’Eternel voit dans le secret » comme dit Jésus (Matthieu 6, 4).
כִּי, אֶת־כָּל־מַעֲשֶׂה, הָאֱלֹהִים יָבִא בְמִשְׁפָּט, עַל כָּל־נֶעְלָם: אִם־טוֹב, וְאִם־רָע
« En effet, toutes les actions, Dieu les appellera devant son tribunal, même celles qui sont entièrement cachées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. » (Ecclesiaste, 12, 14).
Ainsi, l’Eternel ne verra pas seulement les bonnes actions, mais aussi les mauvaises.
Les Sages déduisent de ce verset:
« Pourquoi est-il écrit: ‘qu’elles soient bonnes ou mauvaises’? Des disciples de Rabbi Yanaï ont dit: Il s’agit de celui qui donne l’aumône de charité à un pauvre en public. Comme cet acte de Rabbi Yanaï qui vit un homme donner un dinar à un pauvre en public. Il lui dit: il aurait mieux valu que ne donnes rien plutôt que de lui faire honte comme tu viens de le faire maintenant. » (Talmud de Babylone, Haguigah, 5, a).
En effet, Jésus et les Sages pensent la même chose: il faut donner « en secret » (« מָתָן בְּסֶתֶר« , « le don en secret » pratiqué couramment en Israël). Les Sages pensent à la personne qui reçoit le don (il ne faut pas l’humilier). Par contre, Jésus pense que si l’on donne « en secret », (donc sans humilier la personne qui reçoit), l’Eternel récompensera celle qui donne discrètement.
La meilleure prière
Au sujet de la prière, les Sages ne prônent pas vraiment la prière « dans le secret ». Ils préfèrent la prière dans les synagogues. Alors, serait-ce à dire « qu’ils aiment se camper dans les synagogues et les carrefours pour qu’on les voie »?
« Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. » (Matthieu 6, 5)
Mais non: ce sont les hypocrites qui se comportent comme cela, et des hypocrites, il y en a sous tous les cieux. Alors, qu’en pensent les Sages?
« Celui qui fait entendre sa voix dans sa prière, c’est qu’il a peu de foi. Celui qui intensifie la force de sa voix dans sa prière, c’est qu’il fait partie des prophètes de mensonge. » (Talmud de Babylone, Berakhot, 24, b).
Alors, en quelque sorte, pour les Sages, il faut « prier en secret » même lorsque l’on prie ensemble dans une synagogue.
Le jeûne
Quant au jeûne chez Jésus, il suit le même principe: surtout que personne ne sache que l’on jeûne, pour que cela reste entre l’homme et son Créateur. En effet, ces trois actes: le jeûne, la prière et l’aumône manifestent surtout notre lien avec le Créateur, selon le prophète Isaïe.
« Est-ce là un jeûne que je pourrais choisir, un jour où l’homme mortifie son âme? Courber la tête comme un roseau, se coucher sur le cilice et la cendre, est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un jour que l’Eternel veut? Mais voici le jeûne que je choisis: c’est de rompre les chaînes de l’injustice, de dénouer les liens de tous les jougs, de renvoyer libres ceux qu’on opprime, de briser enfin toute servitude… C’est alors que ta lumière poindra comme l’aube, que ta guérison sera prompte à éclore; ta justice marchera devant toi, et derrière toi la majesté de l’Eternel fermera la marche. » (Isaie 58, 5-8).
De fait, si Jésus aussi bien que les Sages insistent sur l’humilité à avoir dans toutes les contritions, l’important, pour que l’Eternel « s’aperçoive » de nos actes et en tienne compte, c’est notre attitude envers notre prochain.
Pour lors, que faut-il faire?
Si nos rapports avec notre prochain s’améliorent et que nous savons vivre en bonne entente, « ta lumière brillera au milieu des ténèbres » – Israël sera reconnu parmi les Nations. De fait, il appliquera les règles de la Torah concernant les rapports entre êtres humains; il s’ensuit qu’Israël en retournant sur sa terre, la terre d’Israël, pourra « restaurer les ruines antiques et relever des fondations qui datent des siècles passés »; en conséquence, Israël est amené à respecter le shabbat et à « considérer le sabbat comme un délice, la sainte journée de l’Eternel comme digne de respect ». A ce moment, il y aura la Paix sur Israël: « alors tu te délecteras dans le Seigneur et je te ferai dominer sur les hauteurs de la terre et jouir -de l’héritage de ton aïeul Jacob » (Isaïe 58, 10-14)… et par conséquent, sur le monde entier qui ne songera plus à jalouser Israël ni à vouloir le détruire.
