La montagne dans les Evangiles

La montagne dans la Tradition hébraïque  

Beaucoup de choses dans les Evangiles se passent sur « la montagne ». Ce n’est pas étonnant, puisque le Pays d’Israël est un pays « de montagnes et de vallées »:

 כִּי הָאָרֶץ, אֲשֶׁר אַתָּה בָא־שָׁמָּה לְרִשְׁתָּהּ לֹא כְאֶרֶץ מִצְרַיִם הִוא, אֲשֶׁר יְצָאתֶם מִשָּׁם:  אֲשֶׁר תִּזְרַע אֶת־זַרְעֲךָ, וְהִשְׁקִיתָ בְרַגְלְךָ כְּגַן הַיָּרָק.  וְהָאָרֶץ, אֲשֶׁר אַתֶּם עֹבְרִים שָׁמָּה לְרִשְׁתָּהּ, אֶרֶץ הָרִים וּבְקָעֹת; לִמְטַר הַשָּׁמַיִם, תִּשְׁתֶּה־מָּיִם. (דברים י »א, י’-י »א)

Car le pays où tu vas pour le conquérir ne ressemble point au pays d’Egypte, d’où vous êtes sortis; là, tu devais semer ta graine et l’humecter à l’aide du pied, comme en un jardin potager. Mais le pays que vous allez conquérir est un pays de montagnes et de vallées; tu seras abreuvé par les pluies du ciel. (Deutéronome 11, 10-11).

Il faut noter que Jérusalem est la seule ville au monde, certainement, à ne pas être bâtie à côté d’un point d’eau quelconque, que ce soit un fleuve, une rivière, un lac, un étang, mais elle est entourée de sept montagnes…

יְרוּשָׁלִַם הָרִים, סָבִיב לָהּ: וַה’, סָבִיב לְעַמּוֹ מֵעַתָּה, וְעַד־עוֹלָם (תהלים קכ »ה, ב’)

Jérusalem, des montagnes l’entourent; ainsi l’Eternel entoure son peuple, maintenant et pour toujours. (Psaume 125, 2).

Ainsi la vie de la ville a pendant longtemps dépendu uniquement des « eaux d’en haut », des eaux de pluie, et cela exige un certain niveau de spiritualité:

וְהָיָה, אִם־שָׁמֹעַ תִּשְׁמְעוּ אֶל־מִצְוֺתַי, אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוֶּה אֶתְכֶם, הַיּוֹם, לְאַהֲבָה אֶת־ה’ אֱלֹהֵיכֶם, וּלְעָבְדוֹ, בְּכָל־לְבַבְכֶם, וּבְכָל־נַפְשְׁכֶם. וְנָתַתִּי מְטַר־אַרְצְכֶם בְּעִתּוֹ, יוֹרֶה וּמַלְקוֹשׁ; וְאָסַפְתָּ דְגָנֶךָ, וְתִירֹשְׁךָ וְיִצְהָרֶךָ. וְנָתַתִּי עֵשֶׂב בְּשָׂדְךָ, לִבְהֶמְתֶּךָ; וְאָכַלְתָּ, וְשָׂבָעְתָּ (דברים י »א, י »ג-ט »ו).

Or, si vous écoutez, vous écoutez vraiment mes injonctions que je vous ordonne en ce jour, d’aimer l’Éternel, votre Seigneur, le servant de tout votre cœur et de toute votre âme, alors je donnerai à votre pays la pluie en son temps, pluie d’automne et pluie d’arrière-saison, et tu récolteras ton blé, et ton vin et ton huile. Et je ferai croître l’herbe dans ton champ pour ton bétail, et tu mangeras et tu seras rassasié. (Deutéronome 11, 13-15).

La montagne et les Evangiles

La montagne est donc très présente dans les Evangiles, que ce soit sous forme de lieu physique ou imaginaire, pour illustrer une parabole, par exemple. Toutefois, le texte ne cite aucun nom de montagne explicitement.

Le sermon sur la montagne

Par exemple, le sermon sur la montagne se passe, d’après la tradition chrétienne, sur le mont Thabor en Galilée. Seulement, il n’y a pas de nom. Pourquoi le mont Thabor? En fait, cette tradition ne se base sur aucune source fiable ni sur aucune tradition antérieure.

Donc, voyons ce que les sources nous apprennent:

D’après Matthieu, Jésus se trouve sur « une montagne » pour déclamer ses Béatitudes.

Voyant la foule, Jésus monta sur la montagne, s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui (Matthieu 5, 1).

Luc donne plus de détails: Jésus monte sur la montagne pour prier, puis redescend « sur un plateau » pour discourir sur ce qu’il est convenu d’appeler « Israël« .

 En ce temps-là, Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier le Seigneur… Il descendit avec eux, et s’arrêta sur un plateau, où se trouvaient une foule de ses disciples et une multitude de peuple de toute la Judée, de Jérusalem, et de la contrée maritime de Tyr et de Sidon. (Luc 6: 12; 17)

C’est très précis. Jésus se trouve « sur la montagne », puis il redescend sur « un plateau ». Toujours pas de noms…

La montagne des Béatitudes

Toutefois, cette description rappelle un paysage biblique familier:

La ville de Sichem, sur un plateau à environ 550 m d’altitude, se trouve entre les monts de Eival et Garizim.

Et pourquoi Jésus aurait-il prié sur le mont Garizim, et serait-il redescendu sur le plateau, près de Sichem?

Les monts Eival et Garizim

Sur les monts Eival et Garizim ont été déclamées des bénédictions et des malédictions, énoncées par Josué se tenant sur le plateau près de Sichem…

וַיֶּאֱסֹף יְהוֹשֻׁעַ אֶת־כָּל־שִׁבְטֵי יִשְׂרָאֵל, שְׁכֶמָה; וַיִּקְרָא לְזִקְנֵי יִשְׂרָאֵל וּלְרָאשָׁיו, וּלְשֹׁפְטָיו וּלְשֹׁטְרָיו, וַיִּתְיַצְּבוּ, לִפְנֵי הָאֱלֹהִים…  וַיִּכְרֹת יְהוֹשֻׁעַ בְּרִית לָעָם, בַּיּוֹם הַהוּא; וַיָּשֶׂם לוֹ חֹק וּמִשְׁפָּט, בִּשְׁכֶם (יהושע כ »ד, א’… כ »ה).

Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem; puis il appela les anciens d’Israël, ses chefs, ses juges et ses préposés, qui se placèrent en présence de l’Eternel… En ce jour même, Josué établit un pacte avec le peuple, et lui imposa une loi et des statuts à Sichem. » (Josué 24, 1… 25).

… exactement selon ce qu’avait demandé Moïse:

וְהָיָה, בְּעָבְרְכֶם אֶת־הַיַּרְדֵּן, תָּקִימוּ אֶת־הָאֲבָנִים הָאֵלֶּה אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוֶּה אֶתְכֶם הַיּוֹם, בְּהַר עֵיבָל; וְשַׂדְתָּ אוֹתָם, בַּשִּׂיד… אֵלֶּה יַעַמְדוּ לְבָרֵךְ אֶת־הָעָם, עַל־הַר גְּרִזִים, בְּעָבְרְכֶם, אֶת־הַיַּרְדֵּן:  שִׁמְעוֹן וְלֵוִי וִיהוּדָה, וְיִשָּׂשכָר וְיוֹסֵף וּבִנְיָמִן.  וְאֵלֶּה יַעַמְדוּ עַל־הַקְּלָלָה, בְּהַר עֵיבָל:  רְאוּבֵן גָּד וְאָשֵׁר, וּזְבוּלֻן דָּן וְנַפְתָּלִי (דברים כ »ז, ד’… י »ב-י »ג).

 » Donc, après avoir passé le Jourdain, vous érigerez ces pierres, comme je vous l’ordonne aujourd’hui, sur le mont Hébal, et tu les enduiras de chaux… Voici quelles tribus prendront position sur le mont Garizim, pour la bénédiction à donner au peuple, quand vous aurez passé le Jourdain: Siméon, Lévi et Juda; Issachar, Joseph et Benjamin.  Et les suivantes se placeront, pour la malédiction, sur le mont Hébal: Ruben, Gad et Asher; Zabulon, Dan et Nephtali. » (Deutéronome 27, 4… 12-13).

Cette cérémonie représente le renouvellement de l’Alliance contractée entre l’Eternel et son peuple Israël.

Mais nous y reviendrons une prochaine fois.

La montagne du renouvellement de l’Alliance

Il est important de noter que, si Jésus, ses disciples et la foule qui se trouvaient « sur le plateau » pour écouter Jésus, c’était pour renouveler l’Alliance entre son peuple et son Seigneur, l’Eternel.

Or, Jésus prononce ses Béatitudes, qui pourraient être regardées comme des bénédictions. Et où se trouve donc la série de malédictions qui devrait compléter cette cérémonie de renouvellement de l’Alliance?

Chez Matthieu, on ne trouve que les Béatitudes. Toutefois, chez Luc, on trouve les deux, les bénédictions avec les malédictions à la suite (Luc 6, 20-26). Alors, où se trouvent les malédictions qui devraient accompagner les bénédictions chez Matthieu?

En fait, il faut aller les chercher beaucoup plus loin dans l’Evangile de Matthieu (Matthieu 23, 13-31). Les deux séquences étant séparées, on pourrait croire que Jésus maudit « les scribes et les Pharisiens ». Or, il n’en est rien. Il faut juste se rappeler que ces malédictions font partie de la cérémonie du renouvellement de l’Alliance entre l’Eternel et son peuple.

Mais nous en reparlerons.

Le mont de la Transfiguration

La Transfiguration se passe sur « une haute montagne » (Matthieu 17, 1 et Marc 9, 2). Or, la Peshitta de Matthieu et Marc emploie un terme très spécifique:

להר רָם

La traduction pourrait effectivement être « une haute montagne » mais aussi et surtout « une montagne grande par sa réputation », et non pas selon la traduction en hébreu  » הַר גָּבֹהַּ » qui ne rend pas cette idée de grandeur morale, de réputation qu’a le mot, qui, ne l’oublions pas, désigne l’Eternel lui-même : אדוני רם ונישא » , Eternel haut et élevé ».

Et d’ailleurs, le « pot-aux-roses » nous est révélé dans la deuxième épître de Pierre:

Et nous avons entendu cette voix venant du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la sainte montagne. (II Pierre 1, 18).

La Peshitta dit bien : « בְּהַר הַקֹּדֶשׁ », « sur la montagne sainte ». Pierre était l’un des disciples présents au moment de la Transfiguration. Or, « la montagne sainte » est un terme désignant le mont Moriah, c’est-à-dire le mont du Temple de Jérusalem

Les escaliers menant au Temple de Jérusalem par le Sud
Les escaliers menant au Temple de Jérusalem par le Sud

Donc, la Transfiguration s’est vraisemblablement passée sur le Mont Moriah, qui est l’un des monts de Jérusalem, sur lequel est bâti le Temple.

Jésus sur le mont Mambré

D’après un évangile apocryphe, Jésus, dans ses pérégrinations, enseigne ses apôtres « sur le mont Mambré » (Questions de Barthélémy, 3, 1), qui, en fait désigne la ville de Hébron:

« וְאַחֲרֵי־כֵן קָבַר אַבְרָהָם אֶת־שָׂרָה אִשְׁתּוֹ, אֶל־מְעָרַת שְׂדֵה הַמַּכְפֵּלָה עַל־פְּנֵי מַמְרֵא הִוא חֶבְרוֹן: בְּאֶרֶץ, כְּנָעַן » (בראשית כ »ג, י »ט).

 » Alors Abraham ensevelit Sara, son épouse, dans le caveau du champ de Makhpéla, en face de Mambré, qui est Hébron, dans le pays de Canaan » (Genèse 23, 19).

Ainsi, Jésus, avec ses apôtres, a parcouru le Pays, et entre autres, la colonne vertébrale du Pays d’Israël: Sichem, Jérusalem et Hébron.

La montagne de Hébron vue du Sud-Est - Source: Collection de l'Université de l'état de l'Oregon USA
La montagne de Hébron vue du Sud-Est – Source: Collection de l’Université de l’état de l’Oregon USA

Nous reviendrons sur la signification de ces villes dans la Bible et leur importance dans la Tradition hébraïque.

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