Marie, une fiancée adultère?
Jésus est nazir, donc en puissance d’être prophète. Pourtant son père a soupçonné sa mère d’infidélité, alors qu’elle était sa fiancée, en instance de se marier avec elle.
‘Voici de quelle manière arriva la naissance de Jésus… Marie, sa mère, ayant été fiancée [מכִירָא] à Joseph … Joseph, son époux [בַּעלָה], qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle’. (Matthieu 1, 18-19).
Donc, jusqu’ici, Matthieu nous informe qu’au moment où le ‘messager’ annonce à Marie (Myriam) la naissance de Jésus, Marie est déjà mariée à Joseph, puisqu’en araméen et en hébreu, Joseph est בַּעלָה, l’époux de Marie, après avoir été son fiancé. Il faut dire qu’à cette époque, on divisait les deux cérémonies, avec quelquefois toute une année d’écart. D’abord les fiançailles (אֵירוּסִין) puis le mariage proprement dit (נִישּׂוּאִין). De nos jours on réunit les deux cérémonies en une seule.
L’annonciation à Marie
Vraisemblablement, Marie était déjà mariée, depuis peu peut-être, à Joseph quand elle a reçu l’annonce de la future naissance de Jesus.
Dans la Bible, il se passe environ un an entre le moment de l’annonce et le moment de la naissance, comme cela s’est passé pour la naissance d’Isaac et celle de Samson.
Un malentendu décisif
Pourtant, un malentendu va provoquer un séisme dans la vie de ce couple tranquille. Joseph ne va pas croire que sa femme a reçu un message d’un messager divin. Il croit qu’elle veut cacher un adultère, qu’elle est déjà enceinte mais pas de lui.
En conséquence, ils vont tous deux être soumis à l’épreuve des eaux amères et être trouvés sans tache (Protévangile de Jacques, 16). Effectivement, il est écrit dans le livre de la Torah:
זֹאת תּוֹרַת, הַקְּנָאֹת, אֲשֶׁר תִּשְׂטֶה אִשָּׁה תַּחַת אִישָׁהּ, וְנִטְמָאָה (במדבר ה’, כ »ט)
Telle est la règle [des eaux amères] concernant la jalousie (Nombres 5, 29)
On en déduit:
וּכְשֵׁם שֶׁבּוֹדְקִים אוֹתָהּ כָּךְ בּוֹדְקִים אוֹתוֹ (במדבר רבה י’, א’)
Comme on examine la femme soupçonnée d’adultère [avec les eaux amères], alors on examine l’homme soupçonné d’adultère [avec les eaux amères] (Bemidbar Rabba, 10, 1)
Et l’on explique: Les eaux amères servent à examiner celui qui commet l’adultère.
S’il y a dans (le mari) un péché semblable à (celui de la femme), on l’examine à l’aide des eaux amères. Et s’il y a en lui le péché (d’adultère), est-ce que les eaux amères peuvent examiner (sa femme)? Ainsi qu’il est dit:
וְנִקָּה הָאִישׁ, מֵעָוֺן; וְהָאִשָּׁה הַהִוא, תִּשָּׂא אֶת עֲוֺנָהּ (במדבר ה’, ל »א)
« Cet homme sera net de toute faute, et cette femme expiera la sienne. » (Nombres 5, 31)
בִּזְמַן שֶׁהָאִישׁ מְנוּקֶּה מֵעָוֹן, הַמַּיִם בּוֹדְקִין אֶת אִשְׁתּוֹ, אֵין הָאִישׁ מְנוּקֶּה מֵעָוֹן, אֵין הַמַּיִם בּוֹדְקִין אֶת אִשְׁתּוֹ!
‘Si le mari est net de toute faute, alors les eaux amères permettent d’examiner la femme, mais si l’homme n’est pas net de toute faute (d’adultère), alors, les eaux amères restent sans effet sur sa femme’ (Talmud de Babylone, Sota 28 a).
Cela correspond exactement à l’attitude de Jésus (Jean) envers la femme adultère:
Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. (Jean 8, 7)
Marie n’a pas fauté
D’un autre côté, l’Ecriture affirme:
(וְאִם־לֹא נִטְמְאָה הָאִשָּׁה, וּטְהֹרָה הִוא וְנִקְּתָה, וְנִזְרְעָה (במדבר ה’, כ »ח
Mais si cette femme ne s’est pas souillée, si elle est pure, elle restera intacte et aura une postérité’ (Nombres 5, 28).
Baal-Hatourim[1] commente:
‘וְנִזְרְעָה’. וְסָמִיךְ ‘זֹאת תּוֹרַת הַקְּנָאֹת’ לוֺמַר שֶׁאִם טְהוֺרָה הִיא יִהְיוּ לָהּ בָּנִים צָדִיקִים בַּעֲלֵי תוֺרָה’
‘[Cette femme]… aura une postérité’ – Juste après, il est écrit: ‘Telle est la règle concernant la jalousie’ (Nombres 5, 29). C’est pour te dire que si [cette femme] est pure, [et a été accusée injustement], elle aura des fils justes connaissant la Loi‘.
L’exemple de la mère de Samson
L’exemple même de celle qu’on accuse injustement d’ivrognerie (pouvant engendrer l’adultère), c’est la mère de Samson. Le prêtre la prend pour une ivrogne venant cuver son vin (donc par association, une femme ‘de mauvaise vie’, adultère)[2]. Or l’injustice de son accusation est flagrante. En conséquence, elle donne naissance à un fils nazir, abstème dès son premier jour, Samson (Juges 13).

Par ailleurs, dans la Bible, le passage traitant du naziréat (Nombres 6, 1-21) suitimmédiatement celui de la femme adultère (Sota) condamnée à boire les eaux amères (Nombres 5, 11-31). D’où l’on déduit qu’une femme injustement accusée d’adultère, condamnée indûment à boire les eaux amères, méritera de donner naissance à un fils nazir, abstème. Or Marie, condamnée par les soupçons de son mari, Joseph, boira les eaux amères, mais en sortira sans tache, de même que son mari. Ils donneront donc naissance à un fils nazir: Jésus. D’où la présence de Jésus parmi les docteurs à l’âge de douze ans, et non à sa majorité religieuse, 13 ans. Il est venu pour renouveler son vœu de naziréat fait pour lui à sa naissance par ses parents.

[1] Baal-HaTourim, 1269-1343, commentateur biblique.
[2] Traité Berakhot, 31b.