Le désert dans les Evangiles
Le désert, c’est le refuge des ermites et de ceux qui souhaitent se ressourcer. C’est le lieu de rencontre ultime entre l’Eternel et ses créatures.
Alors Jésus fut porté אֵתדּבַר par l’Esprit au désert pour être tenté par le diable. (Matthieu 4, 1)
Le mot grec utilisé ici (την ερημον, ten eremon) évoque un état de solitude, d’abandon de tout lieu habité, mais surtout de la foule, de son prochain même. C’est aussi un lieu d’introspection. On y distingue plus clairement le nécessaire du superflu.
Le désert en hébreu
Pourtant, en hébreu, le mot ‘désert’, מִדְבָּר midbar ne traduit pas du tout l’idée de solitude. Au contraire, pourrait-on dire, c’est le lieu de la communication, donc de l’absence de solitude. C’est le lieu où nous recevons la parole (דָּבָר, davar en hébreu) (les « dix commandements » sont en fait des « paroles » en hébreu). L’avez-vous remarqué? Les « choses » (devarim דְּבָרִים) [ont été créées] par des « mots » (דְּבָרִים devarim). En hébreu, c’est le même mot. Les choses, en hébreu, sont des mots. Même l’inanimé est doté de la parole, de la communication. Ainsi, l’hébreu affirme que nous ne sommes jamais seuls, que nous pouvons encore communiquer. La solitude dans le désert, par conséquent, ne fait pas entièrement partie de la pensée hébraïque. L’hébreu se concentre sur le fait que, même seuls, nous sommes toujours accompagnés (par le Maître de tous les mondes, comme l’était Jésus, car il a réussi à surmonter ses propres barrières intérieures). Il nous suffit de nous défaire des écrans intérieurs qui nous empêchent d’entendre sa voix, de les écarter.
Le désert et ses dérivés
Maintenant, en araméen tardif (syriaque), la racine du mot אֵתדּבַר etdaber est la même que le mot « désert, מִדְבָּר ». C’est le pouvoir de la parole que de porter les personnes, de leur insuffler de la force, de l’énergie, qui est la signification même du Seigneur « אֱלֹהִים, Elohim ».
Et quel lien peut-on établir entre le ‘désert’, lieu de rencontre, de dialogue possible, et le ‘berger’? דּוֺבֵר (dover), mot construit avec les mêmes lettres hébraïques que le mot « désert », signifie à la fois « porte-parole » et « prairie ». Le berger qui appelle ses brebis et ses chèvres, qui prend soin de son troupeau, lui assurera un bon pâturage. Fondamentalement, le Seigneur de tous les mondes, dans le désert comme « prairie », est le berger de son troupeau, de chacune de ses brebis (les hommes qu’il a créés comme partie inséparable de la Création).
Donc, quand Jésus passe quarante jours dans le désert, à la suite de son prédécesseur le prophète Elie, il s’isole du monde pour mieux se retrouver lui-même et écouter de manière plus aiguë la voix de l’Eternel.

Photo by UweDahlke